Des jeux de théâtre pour les enfants "agités"

Des jeux de théâtre pour les enfants "agités"

Applications de méthodes de dramathérapie pour des enfants « agités »

 

Au-delà du diagnostic de Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), l’agitation des enfants est un comportement qui préoccupe de nombreux adultes. Il peut révéler une inadaptation éducative (manque d’intégration des cadres et non adaptation aux demandes sociales ou demande trop exigeante pour le niveau de développement de l’enfant). Il peut également s’agir d’une tentative d’animer ou détourner l’attention dans un environnement qui est lui-même en souffrance. Cela peut révéler une pathologie (dépression, angoisses, stress, traumatisme, trouble de la personnalité). Ou alors cela peut témoigner de la personnalité de l’enfant « bon vivant » et qui exprime son être et sa joie de vivre. Le seuil étant que cela ne le mène pas à être trop en difficulté dans les milieux où il évolue (il faut parfois changer de milieu) et surtout qu’il ne rapporte pas lui-même de souffrance dans ses relations avec les autres, dans les projets qu’il se donne (scolaires, sportifs, artistiques..) ou un sentiment de ne pas pouvoir être ce qu’il aimerait. La dramathérapie peut alors soutenir l’enfant à pouvoir davantage être acteur de son corps, de sa pensée et de ses émotions.

Particulièrement, je vais décliner des « jeux » qui peuvent être proposés pour répondre à l’observation de certains comportements dont l’enfant se sent agit (et qui sont des critères diagnostic ou associé au TDAH).

 

Hyperactivité = ou agitation psychomotrice ( les mouvements moteurs sont perceptibles mais parfois ils peuvent aussi s’accompagner d’un flux de pensées désorganisé).

  • L’idée est de transformer ce surplus d « énergie » en quelque chose de créatif et constructif, il est impossible de faire disparaître cette énergie mais on peut graduellement en prendre conscience, la canaliser, lui donner les formes choisies.

  • Un jeu est celui de manifester par le corps un mouvement qui exprime cette énergie (un saut vers le ciel, un volcan qui explose, un tourbillon). Si le geste n’est pas défini au départ, avec le soutien du thérapeute, l’enfant commence à lui donner un sens, ainsi cette énergie vient raconter quelque chose de son vécu interne. Le thérapeute accompagne souvent l’enfant en renvoyant en miroir les gestes perçus, ceci afin que l’enfant prenne conscience soit de l’ampleur, soit du peu de forme ou alors du sens qu’il prend à mesure. Un grand plaisir découle de ce sentiment d’être compris, imité, accepté. L’adulte peut alors lui-même à partir de cette première forme proposer un autre mouvement qui sera une transformation du premier, soit en l’amplifiant, soit en l’atténuant légèrement, soit en le modifiant quelque peu afin que l’enfant perçoive cette différence et la possibilité d’ajuster la puissance de son geste. L’enfant est invité à son tour à imiter l’adulte ce qui est jubilatoire mais permet aussi d’amener l’enfant à expérimenter une nouvelle manière d’être sans s’opposer à ce qu’il a donné.

  • Siegel D.J., dans « The developing mind » (1999) évoque comment les relations et le cerveau interagissent pour former qui nous sommes, c’est la neurobiologie interpersonnelle. En percevant que l’autre à une intention par rapport à nous-même, cela favorise une cohésion entre les processus cognitifs et affectifs, entre les relations et les processus neuronaux internes : l'attachement permet l'intégration neurale.

 

Attention : c’est une somme de processus cognitifs complexes avec différents types d’attention (soutenue, partagée, sélective)

  • Le principe est d’amener l’enfant à être à la fois attentif à ses impulsions et idées internes en même temps qu’à celles du monde environnant, notamment les autres.

  • Un jeu issu de l’art dramatique est celui où tous les participants font « corps », c’est-à-dire qu’ils sont connectés par leur positionnement et attention aux corps des uns et des autres. Ils commencent de manière immobile puis n’importe lequel peut faire la proposition d’un geste, ou d’un son qui doit être perceptible par le groupe afin que le geste soit repris par tous. Puis un autre participant, à partir du mouvement en cours, propose une transformation qui est également reprise par le groupe. Cela amène chacun à être à la fois attentif aux différents éléments l’entourant tout en « écoutant » ses images intérieures et en les rendant accessibles aux autres. Cela nécessite aussi de rendre choisir l’élément le plus visible qui devient collectif et de négliger d’autres informations.

  • Ramachandran, V. (The Tell-tale brain, 2011), évoque l’implication des neurones miroirs dans ces jeux, neurones miroirs qui s’activent dans le cerveau de chacun lorsqu’il perçoit l’autre en action de la même manière que s’il était en action lui-même. Les neurones miroirs construisent une théorie de l'esprit ce qui est essentiel dans toute interaction sociale

 

Impulsivité : c’est la difficulté à inhiber une impulsion, à la contrôler, à la choisir volontairement

  • Amener l’enfant à se représenter de manière plus globale ce qu’il va exprimer et aussi extraire l’essentiel de l’information avant de l’utiliser.

  • Un participant raconte une histoire en prenant soin de préciser le contexte, ce qui a initié le début de l’événement, le moment clé de l’histoire où intervient l’action principale avec l’effet que cela a sur les différents éléments de l’histoire et enfin de qui en découle (la conclusion). Tout cela avec suffisamment de cohérence pour lui et les autres, ce qui pousse à visualiser le scénario en amont de la narration. Un ou des autres participants re-racontent ou rejouent l’histoire ce qui amène à enregistrer en mémoire les éléments principaux, les organiser dans l’ordre, les sélectionner et attendre le moment de les redonner.

  • Allan Shore (« The Science of the art of psychotherapy ») fait référence à l’implication à la fois de la communication non verbale et affective (cerveau droit)  et verbale (cerveau gauche) pour co-créer une narrative cohérente. C’est la cohésion entre pensées, affects et gestes qui est recherchée, leur intégration pour que la personne ne se sente pas dépassée par un de ses fonctionnements.

 

Estime de soi

  • On met souvent l’accent sur les difficultés de comportement qui « gênent » et qu’il faut transformer. Cependant l’impact sur l’image de soi est crucial et peut aussi bien favoriser la progression des compétences que leur aggravation (un enfant déprimé s’agite !!)

  • Tour à tour, chacun raconte au groupe un scénario qui décrit le héros qu’il serait et quelle aventure il vivrait avec une emphase sur la résolution d’une situation complexe par le héros quelle que soit sa stratégie propre. Les partenaires écoutent puis sont choisis par le narrateur pour l’aider à mettre en scène l’histoire dont il est le personnage central. Le collectif est pendant un temps complètement centré sur le point de vue du narrateur (avec un soutien par les thérapeutes bien entendu).

  • Cozolino dans « The neuroscience of human relationships» (2012) décrit notamment l'impact du trauma sur le cerveau et comment c’est l’intégration entre le vécu subjectif, les mots, les ressentis et les actions qui font l’effet thérapeutique.

 

 

 

Note : J’ai volontairement décortiqué différents processus cognitifs et proposé des « jeux » qui les sollicitent spécifiquement. Il est cependant évident que chaque action intègre la globalité des processus. De plus, l’approche est efficace pour ce qu’elle conserve son aspect ludique. Les compétences se développent dans un désir de réaliser un jeu collectivement, et en détournant ainsi du regard sur la « défaillance » ce qui permet à l’enfant de s’expérimenter et se développer sans accroître son sentiment d’incapacité. Enfin, la thérapie et le développement des compétences cognitives se fait dans une relation de confiance où c’est la relation entre le thérapeute et l’enfant qui va permettre à ce dernier de s’appuyer sur le fonctionnement du thérapeute, ses perceptions, ses intentions, ses idées et émotions, ses actions, pour se construire lui-même.

Fil RSS